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Bain à 4°c, reptation sous barbelés, traversée de fils électriques ou immersion dans une boue bien grasse... Ce parcours du combattant n'est ni une scène de guerre ni un bizutage musclé. C'est "The Mud Day", une distraction importée des Etats-Unis, nouvel avatar du running.
"Quel est votre métier????". Dès 8h00 du matin, sur un camp militaire désaffecté ou loué pour l'occasion, le chauffeur d'ambiance hurle la question à une troupe de "Mud Guys" à l'échauffement. "La Boue, la Boue, la Boue!!!", gueulent-ils, encore frais et dispos entre deux pompes et trois séries d'abdos. L'ambiance est militaire mais joviale, adoucie par le rose fuchsia de quelques femmes venues jouer au soldat.
"Vous êtes là aujourd'hui pour faire la guerre, ok?", reprend le maître de cérémonie en treillis. Les engagés volontaires se marrent, se prennent en photo, jaugent leurs muscles.
Treize kilomètres plus loin, après 90 minutes (le record pour les mieux entraînés) à trois heures dans la boue, victorieux de 22 obstacles plus repoussants les uns que les autres, ils rigoleront tout autant. Excepté ceux qui auront égaré un IPhone ou autre bijou dans la gadoue, ou terminé avec une cheville ou un genou en vrac. Le Mud Day est une parodie festive de situation extrême, un Kho Lanta à portée de tous, joué tous les ans depuis 2013 à Amnéville, Aix en Provence, Coëtquidan, Jouars-Pontchartrain ou Cabourg.
Céline a 32 ans. Adepte d'un running plus académique, elle s'est inscrite avec trois collègues (hommes) de bureau marathoniens. "Pour le fun, pour partager une expérience, se marrer, se faire des souvenirs", dit-elle, le visage maculé mais hilare. Comme 95% des participants au Mud Day, ils courent par équipes et sans chrono. Finir le parcours est déjà une victoire. Etre là une satisfaction, comme en atteste l'avalanche de selfies et de films improbables réalisés grâce aux caméras embarquées, souvent premières victimes collatérales de la boue si l'on en croit le bureau local des objets trouvés.
- 60.000 Mud Guys en 2014, des Mud Kids en 2015 -
Les objets connectés, les tenues de running dernier cri et leurs propriétaires doivent en effet affronter une avalanche de fange: le Mud Discovery (bain de boue intégral), le Drunk test (une traversée, sur une mince poutre, d'une piscine de boue, finalement plus fréquentée que prévu), le crawling time (ou semblant de nage éponyme sous des barbelés ou des fils électriques). Et encore le Master Freeze, une piscine d'eau glacée, sponsorisée par une marque de vêtements, dont la température chute chaque fois qu'un "Mud Guy" se connecte sur l'application ad hoc. Marques, affichage sur les réseaux sociaux, communautés voire tribus, tous les ingrédients des sports urbains modernes sont réunis.
"Running is not enough" clame le slogan du Mud Day, avatar du parcours du combattant de Georges Hébert, pensé pour une génération libérée de la conscription militaire. "Je cours en ville, mais j'aime aussi beaucoup ces courses à thème où il y a un supplément d'adrénaline et de folie", confie Louis, 27 ans, qui n'a raté aucune édition du Mud Day depuis sa création par ASO, en 2013.
60.000 personnes ont participé en 2014 aux différentes étapes organisés en France par la société propriétaire du Tour de France, mais également des marathons de Paris et Barcelone. Ils étaient déjà 25.000 sur le camp militaire de Frileuse, dans les Yvelines, pour son étape parisienne, l'un des neuf rendez-vous de l'année en France et en Espagne. De tous âge depuis qu'ASO a ajouté une version Kids pour les plus de six ans.
Pour gambader dans la boue, chaque participant débourse entre 45 et 78 euros de prix de dossard, auquel il faut ajouter l'équipement nécessaire, soit une tenue qui ne se remettra jamais de l'expérience. Mais le plaisir, même incompréhensible pour le commun des mortels, n'a pas de prix.